« - L’auberge n’est pas si maaaal ! »
La joviale Mélancoline entre dans la salle, aussitôt suivie de Qu’dézépées l’assoiffé.
« - Du moment qu’il y a assez de bonnes choses à boire ! »
Derrière suit la belle Athélas et en queue, le sombre Gaëlin.
« - la route fût longue, mieux vaut nous reposer et nous restaurer confortablement avant de poursuivre.
- Oui ! Mais il faudra partir avant l’aube, pour pouvoir garder une distance respectable avec nos proies. »
Ils prennent place à une table libre, et là, ils ont tout loisir de profiter du lieu. Presque déjà comble, la salle de forme rectangulaire offre une architecture élégante et recherchée. Déjà la porte d’entrée leur a fait bonne impression, du beau et solide bois de couleur merisier à pentures de fer forgés en de délicates arabesques, des murs sains aux pierres blanches, épaisses et solides, une charpente droite et volumineuse.
À l’intérieur, c’est pareil, les mêmes murs où sont suspendues de nombreuses torches grâce à l’habile travail des forgerons. Du côté de l’entrée sont présents deux comptoirs ; le bois est travaillé de fenestrages gothiques, superbe. Derrière on peut y voir une lutine et une humaine à la ressemblance étrange, à part bien sur, pour ce qui est des oreilles. Toute deux ont des rondeurs certaines, mises en valeur par leur visage de lune, bien rose et au sourire doux et convivial, les cheveux auburn en chignon, des yeux marron, des robes simples, vertes et marron mais coquettement brodées. Elles doivent tenir le comptoir pour les réservations de chambres, de nombreuses clefs sont pendues au panneau du mur. Celui de gauche lui, doit servir de vestiaire, de bureau d’information et de services pour les voyageurs, on peut y lire les tarifs pour l’entretien des chevaux, ceux du maréchal Ferrand, de l’herboristerie et bien d’autres.
La salle en elle-même couvre une large surface, le centre va du sol au plafond qui culmine à 10 mètres et où les poutres souples se rejoignent sur une clef de voûte pendante décorée de fleurs. De chaque côté, des piliers sculptés ornés de motifs végétaux sont rehaussés de dorures de bronzes ; bien que le métal ait verdi, il donne pourtant un aspect plus respectable au lieu. A chaque poutre sont suspendues de belles torches. Les parties latérales sont en deux étages, le rez-de-chaussée présente de confortables tables en alcôves privatives, aux meubles sculptés et aux coussins colorés. Au milieu de chacun des côtés sont présentes d’imposantes cheminés de pierres qui produisent une lumière et une chaleur intense, d’ailleurs la première table est à deux mètres du foyer, plus près, ce serait insupportable. L’étage avec un déambulatoire offre des salons plus confortables, beaux et discrets.
Dans le fond, on repère vite le comptoir par le monde qui s’y presse et les bouteilles et les tonneaux sur les étagères du mur. Au-dessus est une scène forestière, arbre et animaux sculptés de fin ouvrage. De chaque coté, des portes qui donnent accès aux cuisines, de nombreux serveurs vont et viennent. Et pour finir contre les murs, partant en cercle, de splendides escaliers de pierres ouvragées montant jusqu’aux déambulatoires et au dessus du plafond, vers les chambres.
La table où ils se sont installés, comme toute les autres est en pierre blanche sculptée sur le bandeau ; au centre, on peut y voir creusé un petit cercle ou le fond est recouvert de cuir, Qu’dézépées découvrira vite qu’il s’agit d’une piste de jeux de dés.
Les chaises de bois sont sobres mais très confortables.
« -Ma foie, c’est un très bel endroit, et les odeurs pas désagréable du tout ! dit la fée noire.
- Il y a une étrange odeur de bois aussi !?
- Vous avez raison Athélas, qu’est ce que cela peut bien être ?
- C’est du genévrier ; c’est le bois qu’ils font brûler. Répond Gaëlin.
- Tout à fait ! Et en plus ça éloigne les mites !
Tous se tourne vers le porteur de cette voix.
-Bienvenue à l’auberge « du bois charmant », je m’appel Héméry et je serais votre serveur, pour votre confort ! »
Le jeune homme doit avoir quinze ans, très souriant, les cheveux châtain clair, les yeux bleus. D’une beauté commune mais gracieux et très aimable.
« Eh bien jeune homme, nous avons grand soif, apportez nous quelque chose de bon et de rafraîchissant pour commencer.
- Bien maître ogre, puis je vous conseiller un vin de printemps ?
- Qu’est-ce ?
- Un vin blanc dont les grains ont été ramassés tardivement et qui est agrémenté de diverses fleurs et d’une pointe de miel aux premiers jours du printemps. Il n’est pas trop alcoolisé mais éveil les papilles pour le repas qui viendra.
- HUUMMMMmm ! Apportez moi cela je vous prie ! Le sourire de Mélancoline accompagnant cette décision.
- Moi aussi, mais apportez aussi quelque chose d’un peu plus corsé pour accompagner.
- bien sur messire, un vin rouge du sud ?
- Pourquoi pas !
- Et vous demoiselle ?
- Pareil que mon amie !
- Et messire ?
- …Pareil que ces dames.
- Bien, pour le dîner nous avons eue la chance aujourd’hui d’avoir du cerf, du sanglier des cailles et des faisans, la chasse à été bonne, je ne vous les recommande que trop ! Autrement nous avons des volailles et du cochon si vous préférez !
- Oh non non non ! Nous voulons de la bonne chair forestière, n’est ce pas Qu’dézépées !
- Bien sur !
- Bien, le cerf est mariné avec des herbes et du vin avant d’être rôti et doré au miel doux, le sanglier est préparé en ragoût accompagné de cubes de farine de maïs au fromages et les volatiles sont farcis avec des herbes , champignons et viande…. »
Les explications sont tellement précises et détaillées, tournées en de jolies phrases que tous en ont l’eau la bouche.
« - Amenez de tout, je ne partirais pas d’ici avant d’avoir goûté tout ces plats !
- C’est bien l’ogre, mais combien cela va-t-il nous coûter ?
- Euuh ! Et il se tourne vers le serveur
- ne vous inquiétez pas, ce n’est guère plus cher ! » Et il énumère les tarifs. Cela n’est en effet pas si excessif.
La soirée se passa donc en de bonnes circonstances, mais la joie n’était pas présente pour autant, les compagnons pensaient à leur ami Erenstil, prisonnier de leur agresseur, peut être torturé.
La fée noir finie par rompre ce silence :
« Je vais m’occuper des chambres pour ce soir !
- Je viens avec vous !
- Merci Athélas !
-Quant à moi, je vais jouer un peu et poser quelques questions, peut être quelqu’un à vue nos ennemies. » Et l’ogre se lève.
Gaëlin reste seul à la table, plongé dans ses pensées. Il voit le paquetage qui renferme le violon et le pose devant lui, sur la table. Il ouvre l’emballage de cuir, en dessous le violon est recouvert d’une soie fine. Au travers, il sent les courbes de l’instrument, les formes et les moulures.
« - A quoi sert un violon sans son archet… de plus, je ne sais même pas en jouer.
-On joue du violon de diverses manières, et ça s’apprend ! »
Surpris par la voix, Gaëlin se redresse, la main posée sur la poigné de sa dague ; En face de lui, le visage dans les mains, les coudes sur la table, un lutin le regarde avec de grands yeux verts et rieurs.
« - ….Et…à qui ai-je l’honneur ?
- Oh ! Pardon ! Le lutin se redresse sur sa chaise et en une révérence ; Kornikaned Boudif, Troubadour et herboriste pour vous servir.
- Bonsoir troubadour, je me nomme Gaëlin.
- Eh bien ami, tu me sembles bien sombre, tu as perdu l’archet de ton violon ?
- Cela ne te regarde pas !
- pardon, je voulais juste aider ! Un silence tombe.
- Euh ! Désolé, tu disais qu’on peut jouer du violon sans archet, comment c’est possible ?!
- C’n’est pas bien compliqué…. A cet instant, un grand gaillard d’une cinquantaine d’année, une barbe blanche, le ventre rebondi, arrive et tape dans le dos du lutin.
- Eh bien petit troubadour, je t’ai offert le gîte et le couvert, tu dois remplir ta part du marché !
- Oui, bien sur maître Dalcourt ! J’ai promis une belle nuit musicale et je tiens toujours mes promesses. »
Le lutin part en sautant de table en table, s’excusant à chaque fois. Il arrive au comptoir, se baisse et récupère une sacoche d’où il libère un magnifique violon. Lorsqu’il se redresse un oiseau rouge et jaune apparaît de derrière le comptoir et vient se poser sur sa tête.
Il prend position, debout sur le comptoir et commence à parler, mais le brouhaha est violent, et sa voix ne porte pas. Il positionne alors son instrument, pose l’archet et une note stridente et désagréable en sort. Tous se taisent.
« Ah ! Merci de votre attention et bonsoir à tous ! Je suis Kornikaned et, montrant du doigt l’oiseau, voici Kossypha, mon ami et mon rossignol. Nous allons jouer pour vous des airs populaires et des créations personnels, pour votre plaisir. Merci de votre attention ! »
À cet instant, le musicien commence une mélodie douce et légère, magnifiquement accompagnée par le chant du rossignol ; chaque note est jouée, vraiment, elles raisonnent dans toute la salle, tous ont les yeux rivés sur ce petit joueur, et les oreilles aussi. Les sombres pensées quittent le cœur de Gaëlin, il en aura des remords pour son autre ami lutin, mais la musique est si belle et si envoûtante, berçant ses sens. Au bout d’un bon quart d’heure, la mélodie semble toucher à sa fin, l’oiseau se tait et retourne sous le comptoir. Les dernières notes, toujours le silence de l’assistance. Et d’un coup le lutin cri:
« Allez, Que la boisson coule et que les rires éclatent ! »Et la musique repart, rapide entraînante, gaie. D’autres joueurs se joignent au lutin pour l’accompagner dans la sarabande. Tous partent en rire et en éclat de joie, car c’est la mélodie des festins. Gaëlin se surprend même à taper des doigts sur la table au rythme de la musique. L’auberge devient la plus joyeuse qu’il n’ait jamais vu, et la boisson coule à flot.
La représentation dure bien deux heures, les gens sont ivres, épuisés par la danse et les chants, le lutin est couvert de sueur. Pendant tout son spectacle il n’a cessé de bouger, dansant et sautant de table en table, pour finir sur celle du draconien. La musique s‘arrête, le lutin reprend la parole :
« Pour finir cette agréable soirée, je vais vous jouer la sonate du dormeur, pour votre paix et pour que vos rêves soit doux. A cette table je pose ce foulard, à votre bon cœur messieurs dames ! »
Il pose alors son archet, reprends son violon comme à son habitude non sans avoir au préalable tendu les cordes un peu plus que d’habitude, mais là, se sont ses doigts qui font jaillir les notes ; et c’est superbe ! Les notes sont cristallines comme pour une harpe, mais gardent la langueur et l’hypnotisme du violon. Ses phalanges tantôt pince les cordes, tantôt les frottent. Gaëlin est suspendu au mouvement des doigts du lutin, la bouche ouverte, jamais il n’aurait pensé entendre tant de musique superbe, capable de tout lui faire oublier. Tout le long de la sonate, personne ne bouge. La dernière note tombée, Kornikaned salut le public qui l’applaudit avec de vives acclamations avant de tomber assis sur la table. Les gens passent pour le récompenser et le féliciter ; Gaëlin le regarde toujours, les yeux pleins de surprise et de fascination.
« - Tu vois ami, on peut jouer du violon aussi comme ça !
- C’était magnifique !...Je n’ai jamais rien entendu de tel !
- Merci bien ! Ouah ! Je suis crevé ! »
Et il s’allonge sur la table. Gaëlin regarde le violon du lutin, il est beau, mais usé aussi, « il a du en voir des auberges ». Ses doigts viennent frôler le bois de l’instrument, mais un bruit lui fait retirer la main. Devant lui le lutin ronfle, profondément endormi de fatigue. Le patron arrive alors.
« Eh voila ! Il me refait le coup ! Il va encore falloir que je le porte !
- Ne vous inquiétez pas maître Dalcourt, je vais m’en occuper!
- Merci bien jeune homme, car vraiment j’ai encore bien du boulot !
- Qu’elle est sa chambre ?
- C’est la 6, elle est ouverte. Merci encore !
- Je vous en prie ! »
Gaëlin prend le lutin dans ses bras, le serveur lui confit son sac auquel pend un petit nichoir, à l’intérieur est le rossignol, assoupi.
Après avoir parlé à ses compagnons, il monte déposer le lutin dans sa chambre. Celui-ci se laisse faire comme un enfant. « Il est bien imprudent ! » mais Gaëlin voit que les yeux de l’oiseau eux sont en éveil et surveillent ses gestes. Il met le lutin dans son lit ; le couvre. Au moment de le quitter, celui-ci lui agrippe la main, puis le bras. Il tente de les retirer, mais Kornikaned s’y accroche comme une liane. Gaëlin lève le bras, mais le lutin vient avec, ses jambes s’accrochant à leur tour. Il secoue son bras, d’abord doucement, puis de plus en plus fort, mais le « singe » tint bon.
Gaëlin le repose sur le lit en soupirant, il regarde le rossignol dans son nichoir. « Ton maître doit avoir l’habitude de dormir dans les arbres. » En réponse, l’oiseau penche la tête avant de retourner dans son nid.
« Il finira bien par me lâcher. »
Mais il ne lâcha pas. Gaëlin finit par s’asseoir sur le sol à côté du lit pour attendre, Mais la fatigue du voyage se fit sentir et avec elle, le sommeil.