C'était un des ces jours d'hiver qu'habituellement on n'aime pas. Mais malgré le crachin et le vent, les nuages et le thermomètre bas, la ville rose gardait ses couleurs et ses habitants leurs sourires et leur bonne humeur. Les quais de la Garonne continuaient à accueillir son lot quotidien d'habitués, jogger ou promènent toutou. Au loin sur les ponts, la circulation ne cessait.
Emmanuel, appuyé contre le montant de sa fenêtre profité de son intérieur chaud en buvant un mug de café. Les vingt-quatre mètre carré de son studio étaient bien rempli, il est incroyable de voir combien de choses on peut entasser dans un si petit espace.
Son estomac réclamait du solide; mais à part une pizza et un gratin de poisson au congélateur, son frigo était tout aussi vide que son ventre. Dans les placards, un fond de miel et quelques biscottes ramollies par trop de temps d'ignorance. Il se contenta donc de réchauffer de l'eau. En fait, Emmanuel ne savait pas cuisiné et donc il mangeait le plus souvent à l'extérieur ou achetait des plats tout prêts. Son ex, c'était lui le cuistot. Mais maintenant c'était plutôt le temple du silence que des senteurs ici, enfin, sauf si l'on comptait le bip du micro-ondes qui annonçait que sa deuxième tasse était chaude. Il y ajouta deux cuillères de café et deux sucres.
Il rangea un peu ses affaires, tout en écoutant Placebo, fit le tri de ses vêtements, vidant les poches des pantalons qui finirent dans la machine à laver. Il valait mieux vérifier, étant donné qu'il n'a pas de portefeuilles. Il ressortit quarante euro en billets, quelques pièces et des capotes. Cela aurait été bête de perdre tout ça, les fins de mois sont difficile parfois. Mais en ce moment les pourboires sont nombreux, avec ce froid les gens viennent plus souvent s'abriter au chaud dans les restos et les boîtes et donc en proportions, plus de clients égale plus d'argent.
Il est maintenant onze heure trente neuf. Emmanuel est bénévole dans une association de lutte contre le Sida et les MST. Il a promis de venir pour participer à une action de prévention dans les collèges, lycées et universités de la ville. Chaque jours ça change, il ne sait pas encore ou il va aller cet après midi. Il prends une bonne douche, se coiffe, se rase tout en gardant une pilosité au menton et attache ses piercings. Il enfile un sous vêtements, un boxer noir. Ensuite un jeans sobre sans trous ni accessoires, des chaussettes, un t-shirt noir et un pull à la mode, gris et noir et finit par ses pompes neuves, des «coq sportif» marrons dans un style un peu rétro, très sympa; en plus de ça elles se marient bien avec son vieux blouson de cuir qu'il enfile l'instant d'après. Il attrape son sac de sport, ce soir il a entraînement, enfile une casquette noire et quitte ses pénates.
Il passe à la boulangerie du quartier, la patronne Nicole, est de corpulence moyenne, de beauté commune mais avec un sourire et une voix qui transpire la gentillesse. Ils discutent souvent, des banalités bien sur, mais c'est toujours agréable. Sa fille Édith est présente aujourd'hui. C'est une gentille fille mais Emmanuel est un peu mal à l'aise quand elle est là. Il faut dire qu'il l'a repoussé plus d'une fois, mais elle le regarde encore avec ce désir obsessionnel et ça le peine car ça ne mènera à rien. Son frère aîné amène du pain chaud. Fabien est lui par contre un beau garçon et les rôles s'inversent, Emmanuel le regarde avec une certaine insistance. Ce jeune à ce « je ne sais quoi » qui le rend charismatique et attirant, des mains sexy et le sourire de sa mère, mais Emmanuel arrête là ses fantasmes. Il paie son sandwich et la canette de jus de pommes et va vers l'arrêt du bus 14 qui le mènera aux locaux de l'association.
Le vent est un peu plus fort, la pluie plus drue, Emmanuel ajuste sa casquette et marche plus vite. La tête baissée il ne voit pas ceux qui arrivent en face et ils se percutent par les épaules.
Emmanuel se confond en excuse avant de reprendre son chemin.
Derrière lui les deux personnes qu'il a croisé le dévisagent un instant.
Celui qu'il avait percuté est un homme grand, une posture noble un brin rigide, le deuxième est tout l'inverse, petit et presque « désarticulé » à la mode des jeunes d'aujourd'hui. Il a les cheveux noirs et longs alors que l'autre est blond des blés, il a les yeux noirs, ceux du second sont bleu de glace. Le petit est mat de peau et asiatique, le grand est blanc et de type aryen.
« T'aurais du lui en coller une à ce pd! »dit le plus petit qui atteint à grand peine le mètre cinquante. Habillé d'un treillis large, de couleur marron, de Vans noires et d'une veste à capuche noire avec l'imprimé d'un squelette, on lui aurait donné douze ans, pas plus. Pourtant, il est plus âgé, mais c'est vrai que même pour un Thaïlandais, il fait petit.
« Comment tu sais qu'il est pd? » le grand, deux mètres environ, dont l'accent trahis une origine allemande, la trentaine, est taillé comme un athlète et est vêtu d'un costume à la française bleu marine, une veste à trois boutons, d'une chemise noire et d'une cravate noires aux motifs baroques en argent et bleu marine. Des chaussures italienne noires au cuir surpiqué et d'un manteau noire dont l'emblème des boutons trahisse la luxueuse origine.
« Je te le dis! Je le sens, j'suis doué pour reconnaître les vices des gens. » le Thaïlandais renifle un instant l'air.
« Y'a même autre chose... mais là, je saurais pas dire quoi. Tu vois pas toi, Markus!?
-Je vois même pas de quoi tu parles. Markus relève le col de son manteau, allume une cigarette et regarde sa montre, une Rolex, cadeau de sa femme.
Scheiss! Qu'est ce que ça pèle! Bon pressons nous, faut trouver ce restaurant avant d'être définitivement à la bourre.
-C'est par là.
-tu es sur Sunti?
-Ouais, j'suis un pro, je trouve toujours mon chemin. Tu savais que j'avais traversé la forêt de Fontainebleau d'une traite en passant par tous les terrier à blaireau. Je peux te dire que j'ai tout nettoyé...(trois minutes plus tard) y'avait aussi à Bangkok... (huit minutes plus tard) Et puis quand on était à Phucket...( douze minutes plus tard) En fin tu vois, j'suis un vrai pro!
-J'ai surtout entendu que tu es un professionnel de la « tchatche »
-Ah ouais c'est vrai, on me le dis souvent. La première fois c'était...
-Sunti.
-Oui!
-La ferme!
Douze heure vingt neuf. Markus pousse la porte du restaurant tout en jetant un regard exaspéré à Sunti qui lui répond par un geste d'excuse.
-Je ne suis pas convaincu par ton sens de l'orientation.
-On est quand même arrivé!
-avec vingt neuf... non trente minutes de retard.
Dans l'espace d'accueil, un homme en costume s'avance.
-Monsieur, je suis navré mais, dit il en tendant un cendrier.
-Ah oui... répondit Markus, et il écrase sa cigarette. J'ai du mal à m'y habituer.
L'homme le remercie d'un sourire et les invites à s'avancer.
-Je peux vous être agréable?
-Pourquoi, tu l'es pas d'habitude?
-Non , Sunti, c'est une façon de parler pour accueillir les clients.
-Ah ouais! Chez moi on dit « sà-wàt-dii, tyà ràp à-mai kràp »
-peut être mais c'est pas un restaurant thaïlandais ici.
-Ah bah ça j'ai vu!
Markus se retourne vers l'hôte d'accueil.
-Nous avons une réservation au nom de « Bottéro »
L'homme regarde un instant son registre.
-Une table pour trois, pour midi. Veuillez me suivre, votre amie est déjà présente.
L'homme les guide vers la salle de restauration. La décoration est très chaleureuse, banquettes et chaises de velours rouges, boiseries laqués, murs clairs chargés de miroirs et de tableau baroques, nappes immaculés et services en porcelaine. La table qui leur est assignée se trouve dans un angle, proche d'une fenêtre donnant sur la rue mais dont les voilages et les doubles rideaux attachés aux embrases offrent plus d'intimités. La personne qui les attends se trouve à la meilleure place, dos au mur et avec vue générale sur la salle. Deux autres fauteuils sont écartés par un serveur du rond de table avant de leur être proposé.
-Bonjour, dit Markus
-Salut! Fit Sunti accompagné d'un geste de main.
-Messieurs. La femme se leva et les accueillit avec une poignée de main. Vous êtes en retard!
Markus regarde Sunti en coin avant de répondre.
-Un problème...de GPS.
-Je me présente, Olivia Bottéro, je suis consultante pour une agence de communication, mais surtout au service de mon très estimable Prince des messagers. Je connais vos dossiers, donc pas la peine de vous présenter. Si vous êtes ici aujourd'hui c'est, vous vous en doutez pour que je puisse vous affecter sur une mission primordiale pour nos services. Au vu de vos talents, je pense que cela pourra vous convenir... enfin, nous verrons.
Markus serre les dents et répond par un sourire de politesse. Il l'aime encore moins maintenant. Déjà la première impression n'avait pas été des meilleurs.
Cette femme était si égocentrique, cela se voyait dans ses gestes, mais bon, il s'en fout en fait. Un serveur leur apporte la carte, cela lui laisse le temps de la dévisager, et elle est vraiment moche. Un mètre soixante pour au moins soixante quinze kilos. Quarante cinq ans mais en faisant au moins dix de plus, un horrible tailleur des années soixante, une mauvaise manucure qui se veut sophistiquée comme ça coupe de cheveux, une choucroute brunâtre qui ne fait qu'augmenter l'asymétrie de son visage rond et cassant au menton, une bouche sans lèvres, des sourcils énormes et des yeux sans expression trop proches d'un nez trop gros et empatté.
Le serveur prend commande. Il rapporte l‘apéritif et les amuse-bouches. Les démons parlent administratif, et ce n’est pas pour leur faire plaisir. Les entrées arrivent, et l’occasion enfin de connaître la raison de leur présence.
-Si vous êtes ici aujourd’hui c’est pour en premier lieu une surveillance. Il vous faut suivre les faits et gestes de Marcial Derain.
Elle tend un dossier, plutôt mince. Markus y jette un œil, Sunti regarde par-dessus son épaule.
-Oh! c’est un gars de chez Andromalius?
-Oui jeune homme, c’est pourquoi vous êtes chargé de cette mission. Depuis l' «éviction» de leur prince démon, certains d’entre eux ont un comportement suspect. Celui-ci en fait partie. Je veux tout savoir!
-C’est étrange d’avoir affaire à Baalberith pour ce genre d’affaires, mais il va falloir s’y habituer paraît-il!
-Nous verrons bien, en attendant, veuillez vous acquitter au mieux de cette affaire.
-Et en deux? dit Markus
La femme s’essuie la bouche après avoir avalé un toast.
-En deux, si le rapport que vous faites s’avère compromettant, vous serez chargé de découvrir tous ses contacts qui potentiellement sont susceptibles de nous trahir.
-Et en trois…
-De les éliminer.
-Ouf! j’ai bien cru que vous ne nous offririez pas l’occasion de nous dégourdir. Dit Sunti en tombant sur le dossier de son fauteuil.
-Je n’aurais pas contacté des démons comme vous pour juste de la filature, cela aurait été une erreur de ma part. Et est ce que vos partenaires arrivent bientôt?
En réponse, le téléphone de Markus se met à vibrer.
-Je vais pouvoir vous répondre de suite.
Il décroche.
-Ja?
-Allo? Ah! Julie, vous êtes où? Au campus! Vous auriez pu me prévenir, je traîne au local depuis une demi-heure… Et oui, va falloir que je retraverse toute la ville. Et en plus tu te moque! et bien merci… Oui j’arrive, à tout de suite. Ah au fait, c’est quel bâtiment? USS1, Ok! Merci.
Emmanuel raccroche et récupère ses affaires. Il se dit que s’il ne veut pas être trop en retard, il ferait mieux de courir.
En moins de vingt minutes, le voilà à l’entrée de l’université. Julie est là, on peut dire que cette jeune femme de 28 ans est la patronne et elle sait gérer les associations, avec elle, on n’a pas le temps de dormir. Il y retrouve aussi Hélène, Benoît, Mei Ling et Lucas. Ce sont tous des humains plutôt sympathique et bien fait. Étudiants, travailleurs et bénévoles, ce sont vraiment de bonnes personnes.
Ils ont tôt fait de s'organiser pour se répartir leurs tâches. Ils vont passer la journées sur place pour parler avec les étudiants, les sensibiliser aux risques etc... ce sera plus simple qu'avec les collégiens de la semaine dernière...normalement.
Dans le hall, les étudiants passent, s'arrêtent, s'en foutent, discutent et parfois cela est gratifiant.
Au bout d'un petit moment, une tape sur l'épaule d'Emmanuel et un sourire quand il se retourne.
« -Salut! »
Emmanuel, appuyé contre le montant de sa fenêtre profité de son intérieur chaud en buvant un mug de café. Les vingt-quatre mètre carré de son studio étaient bien rempli, il est incroyable de voir combien de choses on peut entasser dans un si petit espace.
Son estomac réclamait du solide; mais à part une pizza et un gratin de poisson au congélateur, son frigo était tout aussi vide que son ventre. Dans les placards, un fond de miel et quelques biscottes ramollies par trop de temps d'ignorance. Il se contenta donc de réchauffer de l'eau. En fait, Emmanuel ne savait pas cuisiné et donc il mangeait le plus souvent à l'extérieur ou achetait des plats tout prêts. Son ex, c'était lui le cuistot. Mais maintenant c'était plutôt le temple du silence que des senteurs ici, enfin, sauf si l'on comptait le bip du micro-ondes qui annonçait que sa deuxième tasse était chaude. Il y ajouta deux cuillères de café et deux sucres.
Il rangea un peu ses affaires, tout en écoutant Placebo, fit le tri de ses vêtements, vidant les poches des pantalons qui finirent dans la machine à laver. Il valait mieux vérifier, étant donné qu'il n'a pas de portefeuilles. Il ressortit quarante euro en billets, quelques pièces et des capotes. Cela aurait été bête de perdre tout ça, les fins de mois sont difficile parfois. Mais en ce moment les pourboires sont nombreux, avec ce froid les gens viennent plus souvent s'abriter au chaud dans les restos et les boîtes et donc en proportions, plus de clients égale plus d'argent.
Il est maintenant onze heure trente neuf. Emmanuel est bénévole dans une association de lutte contre le Sida et les MST. Il a promis de venir pour participer à une action de prévention dans les collèges, lycées et universités de la ville. Chaque jours ça change, il ne sait pas encore ou il va aller cet après midi. Il prends une bonne douche, se coiffe, se rase tout en gardant une pilosité au menton et attache ses piercings. Il enfile un sous vêtements, un boxer noir. Ensuite un jeans sobre sans trous ni accessoires, des chaussettes, un t-shirt noir et un pull à la mode, gris et noir et finit par ses pompes neuves, des «coq sportif» marrons dans un style un peu rétro, très sympa; en plus de ça elles se marient bien avec son vieux blouson de cuir qu'il enfile l'instant d'après. Il attrape son sac de sport, ce soir il a entraînement, enfile une casquette noire et quitte ses pénates.
Il passe à la boulangerie du quartier, la patronne Nicole, est de corpulence moyenne, de beauté commune mais avec un sourire et une voix qui transpire la gentillesse. Ils discutent souvent, des banalités bien sur, mais c'est toujours agréable. Sa fille Édith est présente aujourd'hui. C'est une gentille fille mais Emmanuel est un peu mal à l'aise quand elle est là. Il faut dire qu'il l'a repoussé plus d'une fois, mais elle le regarde encore avec ce désir obsessionnel et ça le peine car ça ne mènera à rien. Son frère aîné amène du pain chaud. Fabien est lui par contre un beau garçon et les rôles s'inversent, Emmanuel le regarde avec une certaine insistance. Ce jeune à ce « je ne sais quoi » qui le rend charismatique et attirant, des mains sexy et le sourire de sa mère, mais Emmanuel arrête là ses fantasmes. Il paie son sandwich et la canette de jus de pommes et va vers l'arrêt du bus 14 qui le mènera aux locaux de l'association.
Le vent est un peu plus fort, la pluie plus drue, Emmanuel ajuste sa casquette et marche plus vite. La tête baissée il ne voit pas ceux qui arrivent en face et ils se percutent par les épaules.
Emmanuel se confond en excuse avant de reprendre son chemin.
Derrière lui les deux personnes qu'il a croisé le dévisagent un instant.
Celui qu'il avait percuté est un homme grand, une posture noble un brin rigide, le deuxième est tout l'inverse, petit et presque « désarticulé » à la mode des jeunes d'aujourd'hui. Il a les cheveux noirs et longs alors que l'autre est blond des blés, il a les yeux noirs, ceux du second sont bleu de glace. Le petit est mat de peau et asiatique, le grand est blanc et de type aryen.
« T'aurais du lui en coller une à ce pd! »dit le plus petit qui atteint à grand peine le mètre cinquante. Habillé d'un treillis large, de couleur marron, de Vans noires et d'une veste à capuche noire avec l'imprimé d'un squelette, on lui aurait donné douze ans, pas plus. Pourtant, il est plus âgé, mais c'est vrai que même pour un Thaïlandais, il fait petit.
« Comment tu sais qu'il est pd? » le grand, deux mètres environ, dont l'accent trahis une origine allemande, la trentaine, est taillé comme un athlète et est vêtu d'un costume à la française bleu marine, une veste à trois boutons, d'une chemise noire et d'une cravate noires aux motifs baroques en argent et bleu marine. Des chaussures italienne noires au cuir surpiqué et d'un manteau noire dont l'emblème des boutons trahisse la luxueuse origine.
« Je te le dis! Je le sens, j'suis doué pour reconnaître les vices des gens. » le Thaïlandais renifle un instant l'air.
« Y'a même autre chose... mais là, je saurais pas dire quoi. Tu vois pas toi, Markus!?
-Je vois même pas de quoi tu parles. Markus relève le col de son manteau, allume une cigarette et regarde sa montre, une Rolex, cadeau de sa femme.
Scheiss! Qu'est ce que ça pèle! Bon pressons nous, faut trouver ce restaurant avant d'être définitivement à la bourre.
-C'est par là.
-tu es sur Sunti?
-Ouais, j'suis un pro, je trouve toujours mon chemin. Tu savais que j'avais traversé la forêt de Fontainebleau d'une traite en passant par tous les terrier à blaireau. Je peux te dire que j'ai tout nettoyé...(trois minutes plus tard) y'avait aussi à Bangkok... (huit minutes plus tard) Et puis quand on était à Phucket...( douze minutes plus tard) En fin tu vois, j'suis un vrai pro!
-J'ai surtout entendu que tu es un professionnel de la « tchatche »
-Ah ouais c'est vrai, on me le dis souvent. La première fois c'était...
-Sunti.
-Oui!
-La ferme!
Douze heure vingt neuf. Markus pousse la porte du restaurant tout en jetant un regard exaspéré à Sunti qui lui répond par un geste d'excuse.
-Je ne suis pas convaincu par ton sens de l'orientation.
-On est quand même arrivé!
-avec vingt neuf... non trente minutes de retard.
Dans l'espace d'accueil, un homme en costume s'avance.
-Monsieur, je suis navré mais, dit il en tendant un cendrier.
-Ah oui... répondit Markus, et il écrase sa cigarette. J'ai du mal à m'y habituer.
L'homme le remercie d'un sourire et les invites à s'avancer.
-Je peux vous être agréable?
-Pourquoi, tu l'es pas d'habitude?
-Non , Sunti, c'est une façon de parler pour accueillir les clients.
-Ah ouais! Chez moi on dit « sà-wàt-dii, tyà ràp à-mai kràp »
-peut être mais c'est pas un restaurant thaïlandais ici.
-Ah bah ça j'ai vu!
Markus se retourne vers l'hôte d'accueil.
-Nous avons une réservation au nom de « Bottéro »
L'homme regarde un instant son registre.
-Une table pour trois, pour midi. Veuillez me suivre, votre amie est déjà présente.
L'homme les guide vers la salle de restauration. La décoration est très chaleureuse, banquettes et chaises de velours rouges, boiseries laqués, murs clairs chargés de miroirs et de tableau baroques, nappes immaculés et services en porcelaine. La table qui leur est assignée se trouve dans un angle, proche d'une fenêtre donnant sur la rue mais dont les voilages et les doubles rideaux attachés aux embrases offrent plus d'intimités. La personne qui les attends se trouve à la meilleure place, dos au mur et avec vue générale sur la salle. Deux autres fauteuils sont écartés par un serveur du rond de table avant de leur être proposé.
-Bonjour, dit Markus
-Salut! Fit Sunti accompagné d'un geste de main.
-Messieurs. La femme se leva et les accueillit avec une poignée de main. Vous êtes en retard!
Markus regarde Sunti en coin avant de répondre.
-Un problème...de GPS.
-Je me présente, Olivia Bottéro, je suis consultante pour une agence de communication, mais surtout au service de mon très estimable Prince des messagers. Je connais vos dossiers, donc pas la peine de vous présenter. Si vous êtes ici aujourd'hui c'est, vous vous en doutez pour que je puisse vous affecter sur une mission primordiale pour nos services. Au vu de vos talents, je pense que cela pourra vous convenir... enfin, nous verrons.
Markus serre les dents et répond par un sourire de politesse. Il l'aime encore moins maintenant. Déjà la première impression n'avait pas été des meilleurs.
Cette femme était si égocentrique, cela se voyait dans ses gestes, mais bon, il s'en fout en fait. Un serveur leur apporte la carte, cela lui laisse le temps de la dévisager, et elle est vraiment moche. Un mètre soixante pour au moins soixante quinze kilos. Quarante cinq ans mais en faisant au moins dix de plus, un horrible tailleur des années soixante, une mauvaise manucure qui se veut sophistiquée comme ça coupe de cheveux, une choucroute brunâtre qui ne fait qu'augmenter l'asymétrie de son visage rond et cassant au menton, une bouche sans lèvres, des sourcils énormes et des yeux sans expression trop proches d'un nez trop gros et empatté.
Le serveur prend commande. Il rapporte l‘apéritif et les amuse-bouches. Les démons parlent administratif, et ce n’est pas pour leur faire plaisir. Les entrées arrivent, et l’occasion enfin de connaître la raison de leur présence.
-Si vous êtes ici aujourd’hui c’est pour en premier lieu une surveillance. Il vous faut suivre les faits et gestes de Marcial Derain.
Elle tend un dossier, plutôt mince. Markus y jette un œil, Sunti regarde par-dessus son épaule.
-Oh! c’est un gars de chez Andromalius?
-Oui jeune homme, c’est pourquoi vous êtes chargé de cette mission. Depuis l' «éviction» de leur prince démon, certains d’entre eux ont un comportement suspect. Celui-ci en fait partie. Je veux tout savoir!
-C’est étrange d’avoir affaire à Baalberith pour ce genre d’affaires, mais il va falloir s’y habituer paraît-il!
-Nous verrons bien, en attendant, veuillez vous acquitter au mieux de cette affaire.
-Et en deux? dit Markus
La femme s’essuie la bouche après avoir avalé un toast.
-En deux, si le rapport que vous faites s’avère compromettant, vous serez chargé de découvrir tous ses contacts qui potentiellement sont susceptibles de nous trahir.
-Et en trois…
-De les éliminer.
-Ouf! j’ai bien cru que vous ne nous offririez pas l’occasion de nous dégourdir. Dit Sunti en tombant sur le dossier de son fauteuil.
-Je n’aurais pas contacté des démons comme vous pour juste de la filature, cela aurait été une erreur de ma part. Et est ce que vos partenaires arrivent bientôt?
En réponse, le téléphone de Markus se met à vibrer.
-Je vais pouvoir vous répondre de suite.
Il décroche.
-Ja?
-Allo? Ah! Julie, vous êtes où? Au campus! Vous auriez pu me prévenir, je traîne au local depuis une demi-heure… Et oui, va falloir que je retraverse toute la ville. Et en plus tu te moque! et bien merci… Oui j’arrive, à tout de suite. Ah au fait, c’est quel bâtiment? USS1, Ok! Merci.
Emmanuel raccroche et récupère ses affaires. Il se dit que s’il ne veut pas être trop en retard, il ferait mieux de courir.
En moins de vingt minutes, le voilà à l’entrée de l’université. Julie est là, on peut dire que cette jeune femme de 28 ans est la patronne et elle sait gérer les associations, avec elle, on n’a pas le temps de dormir. Il y retrouve aussi Hélène, Benoît, Mei Ling et Lucas. Ce sont tous des humains plutôt sympathique et bien fait. Étudiants, travailleurs et bénévoles, ce sont vraiment de bonnes personnes.
Ils ont tôt fait de s'organiser pour se répartir leurs tâches. Ils vont passer la journées sur place pour parler avec les étudiants, les sensibiliser aux risques etc... ce sera plus simple qu'avec les collégiens de la semaine dernière...normalement.
Dans le hall, les étudiants passent, s'arrêtent, s'en foutent, discutent et parfois cela est gratifiant.
Au bout d'un petit moment, une tape sur l'épaule d'Emmanuel et un sourire quand il se retourne.
« -Salut! »